Exercice n° 6
— N'est-ce pas que ma maison est belle, commença l'homme, et puis, après un profond soupir : Désirez-vous la visiter ? proposa-t-il.
Alors il fit à Keawe les honneurs de son logis, l'escorta de chambre en chambre, de la cave jusqu'aux combles et il n'y avait rien en ce lieu enchanteur qui ne fût absolument parfait. Keawe, d'étonnement, en restait bouche bée.
— Pour sûr, déclara-t-il enfin, vous avez là une bien belle maison. Si je vivais dans un séjour pareil, je passerais toutes mes journées à rire et à chanter. Comment se fait-il donc que vous soupiriez si fort ?
L'homme répliqua :
— Il n'y a pas de raison pour que, vous aussi, vous ne deveniez propriétaire d'une demeure comme la mienne, ou peut-être même plus belle, si le coeur vous en dit ! Vous avez de l'argent, je suppose ?
— J'ai cinquante dollars, répondit Keawe, mais une maison comme celle-ci coûte certainement beaucoup plus.
L'homme parut s'absorber dans un calcul de tête. Emergeant de sa méditation, il dit enfin :
— Je regrette que vous n'ayez pas plus d'argent, car cela pourrait vous causer des ennuis dans l'avenir, mais, tant pis ! donnez-moi vos cinquante dollars et elle sera à vous,
— La maison ? A moi ?
— Non ! Pas la maison, mais la bouteille ! Il faut en effet vous dire que, si riche et si prospère que je vous paraisse, toute ma fortune, cette maison et ces jardins me viennent d'une bouteille pas plus grosse qu'un flacon de poche. Tenez, la voilà !
Sur ces mots, il ouvrit un placard verrouillé et en sortit une bouteille ventrue à long col ; le verre en était blanc comme du lait et irisé comme un arc-en-ciel. A l'intérieur, on voyait quelque chose de vague qui se mouvait, telle une ombre projetée par un feu sur le mur d'une caverne.
— Voici la bouteille !
Le diable dans la bouteille R. L. Stevenson
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